Produit à l’occasion de l’exposition Souvenirs, souvenirs à la Kunsthalle Marcel Duchamp.
Le point de départ de Souvenirs, souvenirs est un cendrier acheté par Vincent Kohler en 2008, lors d’un voyage dans l’Ouest américain. Cet objet a la forme de Salton Sea, un lac salé qui, avec ses 1000 km2, a presque deux fois la taille du lac Léman et a été créé en 1905 à la façon d’un ready made. Suite à la rupture d’une digue bordant le fleuve du Colorado, d’immenses quantités d’eau se sont déversées pendant environ deux ans dans le bassin de l’Impérial Valley, à 66 mètre au dessous du niveau de la mer, pour former le plus grand lac de Californie, en plein désert, à une demie heure de route de la ville branchée de Palm Spring.
Le Salton Sea est devenu, dès les premières décennies de son existence, une destination populaire pour les sports aquatiques et la pêche. Grâce à cette aubaine, la région a énormément prospéré au cours des années 40, 50 et 60, transformant les abords du lac en eldorado touristique. Mais parallèlement, l’agriculture, bénéficiant de l’irrigation des champs alentours, a connu un essor fulgurant. La sur-fertilisation et l’évaporation des eaux ont entraîné une salinisation du lac et la destruction massive de la faune aquatique. Les carcasses de poisson envahissent aujourd’hui régulièrement les berges, provoquant une puanteur insupportable. Le tourisme a peu à peu disparu, les hôtels ont fermé, les habitants ont déménagé.
Vincent Kohler a été profondément impressionné par la tragique inhospitalité morbide de cette contrée. Et c’est ce souvenir qui l’a motivé à produire un objet sur le modèle du cendrier de Salton Sea, suivant les contours du Lac Léman. Et nous, les visiteurs, nous posons la question: Le lac Léman est-il lui aussi une bombe écologique à retardement? Nous connaissons tous les barrages voisins producteur d’énergie, de la solidité desquels nous préférons ne pas douter. Et aujourd’hui, un cendrier est-il encore un symbole de plaisir et de liberté? Chez nous aussi la cigarette représente la maladie du XXème siècle. En ce sens, le ready made retrouvé et refaçonné de Vincent Kohler n’est plus un souvenir pour touriste, mais une métaphore aux multiples facettes de la relation paradoxale entre l’homme et la nature, exposée dans le plus petit musée du monde et dans l’un des plus beaux cadres naturels d’Europe.